Articles de fond de la revue Rebuilding Success - Automne/Hiver 2024 > En rappel : décisions ayant retenu notre attention
En rappel : décisions ayant retenu notre attention
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par Natasha MacParland et Rui Gao1
Le groupe de restructuration financière de Davies Ward Phillips & Vineberg LLP fait le suivi des causes ci-dessous. Une brève description des enjeux et des mises à jour est fournie; ces cas présentent un intérêt pour les membres de l’ACPIR. Sauf indication contraire, les renseignements contenus dans le tableau datent du 31 juillet 2024. Tout changement survenu après cette date pourrait ne pas s’y trouver.
Le surlignage en bleu indique les nouvelles causes que nous avons suivies depuis la parution du dernier numéro de Rebuilding Success; le texte en bleu se rapporte aux mises à jour des causes décrites dans une parution précédente.
Cause | Enjeu | Mise à jour |
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Dans le cas de Poonian (Colombie-Britannique) |
Un « nouveau départ » accordé dans le cadre d’une faillite peut-il entraîner l’extinction des dettes et des obligations attribuables à une fraude? |
Non. S’il y a un lien direct, entre les dettes ou les obligations qui correspondent à la valeur des biens ou des services obtenus frauduleusement, elles seront soustraites à l’application de l’ordonnance de libération en vertu de l’alinéa 178(1)e) de la LFI. La Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a imposé une ordonnance de remise et des sanctions administratives aux faillis en raison de leur conduite frauduleuse dans la négociation de valeurs mobilières. La Cour suprême de la Colombie-Britannique (« BCSC ») a rendu une ordonnance selon laquelle les sommes à payer par les Poonian ne seraient pas libérées par une ordonnance de libération en vertu de la LFI. La Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est appuyée sur les dispositions relatives aux « exceptions pour les dettes non libérées par l’ordonnance de libération », prescrites aux alinéas 178(1)a) et e) de la LFI. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique (BCCA) a rejeté un appel à l’encontre de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Elle a notamment conclu que l’alinéa 178(1)a) ne s’appliquait pas, car il ne prévoyait que des exceptions pour les amendes et les sanctions « rendues par un tribunal ». Toutefois, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la conclusion de la Cour suprême de la Colombie-Britannique selon laquelle l’ordonnance de remise et les sanctions administratives étaient soustraites à l’application de l’alinéa 178(1)e) parce qu’il s’agit de « dettes ou obligations résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits ». La décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada. Plusieurs parties sont intervenues dans cet appel, notamment l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation et le Bureau du surintendant des faillites. Le 31 juillet 2024, dans une décision de cinq contre deux, la Cour suprême du Canada a accueilli l’appel en partie et s’est penchée sur l’applicabilité de l’alinéa 178(1)a) et de l’alinéa 178(1)e). En ce qui concerne l’alinéa 178(1)a), la Cour suprême du Canada a conclu que ni l’ordonnance de remise ni les sanctions administratives n’étaient soustraites à l’application de l’ordonnance de libération et a confirmé la conclusion de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique selon laquelle les mots « rendue par un tribunal » dans cette disposition, ne comprennent pas les ordonnances rendues par des tribunaux administratifs ou des organismes administratifs qui sont ensuite enregistrés en tant que jugements d’une cour de justice. La Cour suprême du Canada a également reconnu que cette exemption ne vise pas uniquement les amendes et les sanctions qui découlent d’une procédure pénale ou quasi pénale. En ce qui concerne l’alinéa 178(1)e), la Cour suprême du Canada a statué que les ordonnances de remise sont soustraites à l’application d’une ordonnance de libération, mais pas les sanctions administratives. Il en est ainsi parce : 1) qu’il y avait un lien direct entre l’acte frauduleux et le montant de l’ordonnance de remise et 2) qu’en revanche, les sanctions administratives imposées par la Commission n’étaient pas la conséquence directe des actes frauduleux. Il s’agit plutôt d’une décision administrative sans rapport avec la valeur des biens ou des services obtenus à la suite de l’acte frauduleux. De façon plus générale, la Cour suprême du Canada a précisé que pour qu’une dette ou une obligation subsiste après la faillite en application de l’alinéa 178(1)e), il faut établir trois critères : 1) les faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits, 2) la transmission de biens ou la fourniture de services et 3) un lien entre la dette ou l’obligation et la fraude. |
Piekut c. Canada (ministre du Revenu national) (Colombie-Britannique) |
Le délai de sept ans prévu à l’alinéa 178(1)g) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (dans les sept ans suivant la date à laquelle le failli a cessé d’être un étudiant à temps plein ou à temps partiel) court-il à partir de la dernière date à laquelle le failli a cessé d’être un étudiant à temps plein ou à temps partiel, indépendamment du fait que les études à cette dernière date étaient financées par un ou plusieurs prêts étudiants garantis par un programme gouvernemental? |
Oui. Le 19 avril 2023, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la décision du juge en chambre concernant l’interprétation de l’alinéa 178(1)g) de la LFI. Le juge en chambre s’était appuyé sur la décision rendue en 2015 par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Mallory sur cette même question. La Cour d’appel a reconnu qu’il existait des décisions contradictoires dans d’autres territoires de compétence (par exemple, St. Dennis [Re], 2017 ONSC 2417). Dans ces décisions, d’autres tribunaux avaient conclu que la période de sept ans prévue à l’alinéa 178(1)g) de la LFI courait à partir de la dernière date à laquelle le failli avait cessé d’être un étudiant à temps plein ou à temps partiel dans le cadre d’études financées par un programme fédéral ou provincial de prêts aux étudiants. Toutefois, la Cour d’appel a conclu que c’est la décision Mallory, plutôt que ces autres décisions, qui a été rendue correctement. Le 14 décembre 2023, la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’appel dans cette cause. Le 27 avril 2024, la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’intervenir à de nombreuses parties, dont l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation. L’appel est provisoirement prévu pour la semaine du 4 novembre 2024. |
AG et Agence du revenu du Québec c. Richter Advisory Group Inc. (« ChronoMétriq ») (Québec) |
La Cour peut-elle accorder des charges, au profit des prêteurs intérimaires et d’autres personnes, devant les réclamations de fiducie réputée de la Couronne? |
Oui. Le 27 octobre 2021, la Cour supérieure du Québec, Chambre commerciale, a accordé une charge à un prêteur intérimaire, à une administration, à des administrateurs et à des dirigeants, ce qui donne priorité sur toute fiducie (statutaire ou autre). Le procureur général du Canada et l’Agence du revenu du Québec ont interjeté appel devant la Cour d’appel du Québec, soutenant que la Cour n’avait pas le pouvoir de placer ces charges au-dessus des fiducies réputées de la Couronne. La CIBC, l’Association des banquiers canadiens et l’Institut d’insolvabilité du Canada sont intervenus dans l’appel. Le 18 octobre 2023, la Cour d’appel du Québec a rejeté l’appel. La Cour d’appel a affirmé que le tribunal inférieur avait compétence pour accorder la super-priorité à des charges pour qu’elles aient priorité sur les fiducies réputées de la Couronne, en se fondant principalement sur une interprétation de la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2021 dans l’affaire Canada c. Canada North Group Inc. et sur l’application de cette décision à la LFI. Le 18 décembre 2023, le procureur général du Canada a demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada. L’autorisation d’interjeter appel a été rejetée le 6 juin 2024. |
Rural Municipality of Eye Hill v. Saskatchewan (Minister of Energy and Resources) (Saskatchewan) |
Les redevances à payer à une municipalité rurale seront-elles prioritaires par rapport aux obligations environnementales envers la Couronne qui n’ont pas été payées? |
Non. Le 7 mars 2023, la Cour du Banc du Roi de la Saskatchewan a rejeté une tentative d’une municipalité rurale (MR) d’obtenir priorité dans la répartition du produit résiduel de la vente d’actifs dans le cadre d’une mise sous séquestre, dans le secteur pétrolier et gazier. Le séquestre a vendu certains actifs pétroliers et gaziers du débiteur, et a cherché à allouer le produit résiduel au ministère des Ressources énergétiques afin de compenser 20 millions de dollars d’obligations environnementales non traitées. La MR a estimé qu’elle devait recevoir en priorité le paiement des taxes municipales impayées par le débiteur. La MR a également fait valoir une priorité sur les fonds de la mise sous séquestre en se fondant sur un prétendu privilège et des ordonnances rendues dans le cadre de la procédure en application de la LACC. La Cour a rejeté les demandes de la MR tout en affirmant que les municipalités rurales ne peuvent pas « rester dans l’ombre » en attendant de faire valoir leurs droits. La MR a interjeté appel devant la Cour d’appel de la Saskatchewan, qui a rejeté l’appel le 1er novembre 2023. La Cour d’appel n’était pas d’accord avec le tribunal inférieur sur certains points. La Cour d’appel a notamment estimé qu’il n’y avait pas lieu de reprocher à la MR de ne pas avoir présenté sa réclamation plus tôt qu’elle ne l’a fait, compte tenu du dossier dans cette cause. Toutefois, la Cour d’appel a conclu qu’il n’y avait pas d’erreur de droit dans les principales conclusions du tribunal inférieur. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Mantle Materials Group Ltd c. Travelers Capital Corp. (Alberta) |
Les droits d’appel prévus à l’article 193 de la LFI s’appliquent-ils aux décisions de nature procédurale? |
Non. À deux mois d’intervalle, la Cour d’appel de l’Alberta et la Cour d’appel de l’Ontario ont toutes deux précisé que les droits d’appel prévus à l’article 193 de la LFI ne s’appliquent pas aux appels de décisions de nature procédurale. Bien que l’alinéa 193c) prévoie un droit d’appel si la valeur des biens en question est supérieure à 10 000 $, cela ne signifie pas qu’un droit d’appel s’applique automatiquement à toute ordonnance ou décision rendue dans le cadre d’une procédure lorsque la valeur du bien dépasse 10 000 $. Si l’ordonnance en question n’entraîne ni gain ni perte pour l’une ou l’autre des parties, il s’agit probablement d’une décision de nature procédurale et il faut demander l’autorisation d’interjeter appel. Le 20 décembre 2023, une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Mantle Materials a été déposée auprès de la Cour suprême du Canada. Le 30 mai 2024, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel. |
Cardillo c. Medcap Real Estate Holdings Inc. (Ontario) |
Les droits d’appel prévus à l’article 193 de la LFI s’appliquent-ils aux décisions de nature procédurale? |
Non. Dans les deux mois suivant la décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Mantle Materials sur la même question, la Cour d’appel de l’Ontario a également confirmé que les droits d’appel prévus à l’article 193 de la LFI ne s’appliquent pas aux appels de décisions de nature procédurale. La Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial avait ordonné que divers litiges accessoires aux procédures de faillite soient entendus par le Rôle commercial à Toronto, en même temps que les procédures de faillite. Cardillo, le propriétaire de Medcap (le débiteur faisant l’objet d’une procédure de faillite) et des parties qui lui sont affiliées ont tenté d’interjeter appel de cette ordonnance. Les parties de Cardillo ont fait valoir qu’elles disposaient d’un droit d’appel automatique, ce qui a été contesté par le syndic, qui a déposé une requête pour rejeter la demande d’appel. La motion a été entendue par un seul juge de la Cour d’appel de l’Ontario, qui a convenu avec le syndic qu’il n’existait pas de droit d’appel automatique. Le juge en chambre a également conclu qu’un seul juge a le pouvoir de décider si une partie a un droit d’appel automatique, et lorsque l’autorisation d’interjeter appel est requise, l’article 193e) de la LFI lui confère expressément le pouvoir de décider s’il y a lieu d’accorder l’autorisation d’interjeter appel. Les parties de Cardillo ont contesté la décision du juge en chambre, au motif qu’un seul juge ne peut pas rendre une ordonnance selon laquelle un appel n’est pas un appel de plein droit, puis refuser l’autorisation d’interjeter appel. Une formation de trois juges de la Cour d’appel a rejeté les arguments des parties de Cardillo et a confirmé la décision du juge en chambre. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Peakhill Capital Inc. c. 1000093910 Ontario Inc. (Ontario) |
Existe-t-il un droit d’appel automatique d’une ordonnance de nature procédurale portant sur l’approbation simultanée d’un processus de vente et d’un accord de vente avec soumissionnaire-paravent dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre? |
Oui, conformément à l’alinéa 193(1)c), si l’ordonnance de nature procédurale a pour effet de compromettre la valeur d’un bien de plus de 10 000 $. Avant le prononcé de l’ordonnance de mise sous séquestre, le débiteur avait conclu une convention d’achat-vente inconditionnelle avec un tiers en vue de vendre son actif principal pour un montant de 31 000 000 $. Après la délivrance de l’ordonnance de mise sous séquestre, le séquestre a conclu avec le même tiers, dans le cadre d’une vente aux enchères, un accord de vente avec soumissionnaire-paravent, prévoyant un prix de vente minimum de 24 255 000 $ et une indemnité de rupture de 250 000 $ payable au tiers si une offre à un prix plus élevé était obtenue. La Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial a approuvé le processus de vente et l’accord de vente avec soumissionnaire-paravent et a refusé d’entendre la motion incidente du débiteur visant à approuver la convention d’achat-vente initiale. Le rôle commercial a conclu que la motion incidente avait été déposée tardivement, qu’elle ne pouvait pas être examinée sans avis de motion, et qu’elle avait peu de chances d’aboutir dans tous les cas. Le débiteur a interjeté appel de la décision. Le séquestre s’est opposé à la demande d’appel au motif qu’il n’y avait pas de droit d’appel automatique parce que l’ordonnance était de nature procédurale. La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le débiteur avait un droit d’appel automatique. Bien que l’ordonnance était de nature procédurale, elle a pour effet de compromettre la valeur d’un bien de plus de 10 000 $. Cette conclusion s’appuie sur : i) la comparaison des modalités de la convention d’achat-vente initiale et de l’accord de vente avec soumissionnaire-paravent et ii) la conclusion selon laquelle l’ordonnance a privé le débiteur de toute capacité à d’exécution de la convention d’achat-vente initiale. L’appel de plein droit du débiteur a par la suite été rejeté dans l’affaire 2024 ONCA 261. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Qualex-Landmark Towers Inc. c. 12-10 Capital Corp. (Alberta) 2023 ABCA 177 (qui autorise une intervention de l’Association des banquiers canadiens) 2024 ABCA 115 (appel de la décision de la Cour du Banc du Roi de l’Albertal) |
Une obligation environnementale de remise en état a-t-elle préséance sur les créanciers, y compris les créanciers garantis comme les hypothèques, même en dehors du processus formel de faillite? |
Non. Dans cette affaire, les contaminants qui se trouvaient sur le terrain de la société Capital Corp. se sont répandus sur le terrain de la société Qualex-Landmark Towers Inc. (QLT). Capital Corp. était prétendument insolvable, mais n’avait pas encore entamé de procédure d’insolvabilité officielle. QLT craignait que Capital Corp. ne soit pas en mesure de s’acquitter de ses obligations de remise en état de l’environnement. En première instance, la Cour du Banc du Roi de l’Alberta s’est appuyée sur la décision de la Cour suprême dans l’affaire Redwater (appelée Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd, 2019 SCC 5), et a conclu qu’il existait une probabilité raisonnable que l’obligation de remise en état puisse faire l’objet d’une charge super prioritaire sur les biens, même en dehors du processus formel de faillite et sans l’intervention d’un organisme de réglementation. La Cour a conclu que les entités ont l’obligation envers le public de se conformer à leur obligation environnementale de remise en état et qu’elles ne devraient pas pouvoir se soustraire à cette obligation parce qu’elles n’ont pas encore entamé de procédure formelle de faillite. Capital Corp. et trois de ses créanciers hypothécaires ont interjeté appel de cette décision auprès de la Cour d’appel de l’Alberta. L’Association des banquiers canadiens a obtenu l’autorisation d’intervenir dans les appels. La Cour d’appel a accueilli la demande d’appel et annulé l’ordonnance précédente. La Cour d’appel de l’Alberta a notamment conclu que le tribunal inférieur avait commis une erreur en supplantant le régime de priorités établi et en mettant en œuvre « des changements sur des points de droit qui ne relèvent pas de la compétence des tribunaux ». De plus, la Cour d’appel a statué que l’analyse de Redwater ne devait pas être étoffée comme le propose QLT. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Atlantic Sea Cucumber Ltd. c. Weihai Taiwei Haiyang Aquatic Food Co. (Nouvelle-Écosse) |
Existe-t-il un conflit juridique ou d’application entre les exigences en matière de préavis et de signification en vertu de la LACC et les règles de procédure civile de la Nouvelle-Écosse? |
Non. Dans cette affaire, Atlantic Sea a déposé une demande auprès de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse afin de convertir une proposition en vertu de la LFI en un arrangement en vertu de la LACC. Les documents de la demande n’ont pas été déposés et signifiés dans les délais prévus par les règles de procédure civile de la Nouvelle-Écosse. Atlantic Sea a demandé un abrégement du délai. La Cour a conclu que le créancier avait subi un préjudice et a refusé d’abréger le délai. Compte tenu de l’insuffisance du préavis, la demande de conversion a été rejetée. Atlantic Sea a interjeté appel, alléguant un conflit de prépondérance entre les délais prévus par la LACC et les règles de procédure civile. La Cour d’appel de Nouvelle-Écosse a rejeté l’appel au motif qu’Atlantic Sea était tenue de demander l’autorisation d’interjeter appel, mais ne l’a pas fait. La Cour d’appel a néanmoins commenté le bien-fondé de l’affaire, faisant remarquer qu’il n’y a pas de conflit juridique ou d’application entre la LACC et les règles de procédure civile de la Nouvelle-Écosse. La LACC et les règles de procédure civile donnaient au juge le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux délais ou de les abréger, et les mêmes critères régiraient l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Le tribunal inférieur n’a pas commis d’erreur en refusant l’abrégement du délai. Le 27 mai 2024, Atlantic Sea a déposé une demande d’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada. |
Peakhill Capital Inc. c. Southview Gardens Limited Partnership (Colombie-Britannique) 2023 BCCA 368 (demande de suspension des procédures déclenchée par l’appel) 2024 BCCA 246 (appel sur le fond) |
La Cour peut-elle accorder une ordonnance de dévolution inversée (« ODI ») dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre si le principal avantage d’une ODI structurée est l’évitement d’une obligation fiscale? |
Oui, si les motifs d’octroi d’une ODI sont justifiés. La société débitrice avait été mise sous séquestre et cherchait à obtenir une ODI dans le cadre de la vente de son entreprise. L’objectif de la structure d’une ODI, par opposition à une ordonnance d’approbation et dévolution traditionnelle, consistait à échapper à une obligation fiscale de 3,5 millions de dollars. La Colombie-Britannique s’est opposée à l’octroi d’une ODI. La Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est appuyée sur l’affaire Payslate Inc. (Re), 2023 BCSC 608, pour conclure que les ODI constituent un recours important dans la boîte à outils de l’insolvabilité dans un certain nombre de contextes qui ne sont pas expressément envisagés dans la LACC. Après avoir conclu à la compétence du Tribunal, la Cour a estimé que les critères de Harte Gold (énoncés dans Harte Gold Corp. (Re), 2022 ONSC 653) étaient respectés et que la structure de l’ODI était justifiée. La Cour a conclu qu’il n’y avait rien d’illégal à se servir d’une ODI pour se soustraire à une obligation fiscale, puisqu’il était possible de le faire dans un contexte autre que celui de l’insolvabilité. La province a interjeté appel devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, ce qui a déclenché une suspension automatique des procédures en vertu de l’article 193 de la LFI. L’acheteur a demandé une ordonnance pour annuler la suspension des procédures afin de permettre à la transaction de vente de se conclure dans les délais prévus. La Cour a accordé l’ordonnance, levant la suspension des procédures sous réserve du respect de certaines conditions afin de protéger la province si l’appel est accueilli. Le 2 juillet 2024, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté l’appel de la province. Il reste à voir si la province demandera l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada. |
Banque Royale du Canada c. Canwest Aerospace Inc. (Colombie-Britannique) |
La cour a-t-elle la compétence voulue pour accorder une ODI dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre? |
Oui. La Banque Royale du Canada s’est opposée à la structure d’ODI proposée au motif que le tribunal n’a pas le pouvoir d’ordonner une ODI dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre, à l’instar de la position adoptée par la Colombie-Britannique dans l’affaire Peakhill. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a suivi la décision Peakhill Capital Inc. c. Southview Gardens Limited Partnership, 2023 BCSC 1476 (résumée ci-dessus et tranchée quelques mois auparavant), en concluant que la Cour a compétence pour accorder une ODI dans le cadre d’une mise sous séquestre. À l’époque, l’appel dans l’affaire Peakhill n’avait pas encore été tranché. Bien que l’affaire Peakhill ait été visée par un appel, la Cour a déclaré qu’elle était tenue de suivre les conclusions de l’affaire Peakhill et de rejeter l’argument de la Banque Royale du Canada jusqu’à ce qu’une cour d’appel remette en question la décision rendue dans l’affaire Peakhill. Après avoir conclu à la compétence du Tribunal, la Cour a estimé que les critères de Harte Gold étaient respectés et que la structure de l’ODI était justifiée. |
Invico Diversified Income Limited Partnership c. NewGrange Energy Inc. (Alberta) |
Les redevances dérogatoires brutes constituent-elles un intérêt foncier qui ne doit pas être dévolu en dehors du titre foncier des actifs faisant l’objet d’une acquisition dans le cadre d’une ODI? |
Dans cette affaire, non. Les redevances dérogatoires brutes peuvent constituer un intérêt foncier ou un droit contractuel sur les paiements de redevances sans pour autant constituer un intérêt foncier. La Cour du Banc du Roi de l’Alberta a conclu que les redevances dérogatoires brutes dans cette affaire n’étaient pas un intérêt foncier et qu’elles pouvaient de ce fait être dévolues dans le cadre d’une ODI. La Cour a refusé d’examiner la question des redevances dérogatoires brutes, qui pourraient constituer un intérêt foncier, et qui pourraient être dévolues dans le cadre d’une ODI. En déterminant que les droits de redevance dérogatoires ne se « rattachent pas au bien-fonds », la Cour a appliqué le critère Dynex dans l’affaire Banque de Montréal c. Dynex Petroleum Ltd, 2002 SCC 7 pour vérifier les intentions des parties. Malgré le fait que le libellé de l’accord sur les redevances était censé créer un intérêt foncier, le libellé de la clause de cession des redevances et les circonstances factuelles environnantes laissaient entendre le contraire. NewGrange Energy Inc. (le détenteur des redevances dérogatoires brutes) a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta. Le 5 juillet 2024, la Cour d’appel de l’Alberta a été autorisée d’en appeler de cette décision. |
Dans l’affaire de The Body Shop Canada Limited |
Quels sont les facteurs déterminants dans la décision de désigner un avocat représentant lors d’une motion contestée? |
Dans cette motion contestée, la Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial a rejeté la requête visant à nommer un avocat représentant pour les employés congédiés de The Body Shop Canada Limited. La Cour s’est appuyée sur les facteurs analysés dans l’affaire CanWest Publishing Inc. (Re), 2010 ONSC 1328 (tout en signalant qu’ils ne sont pas exhaustifs et ne doivent pas être nécessairement suivis) afin de refuser la motion visant à nommer un avocat représentant dans cette affaire. Il a été tenu compte du fait que l’univers des membres potentiels du groupe était relativement petit et que les réclamations potentielles des employés licenciés étaient relativement simples. De plus, il n’y avait aucune preuve d’intérêts divergents importants entre les différents groupes d’employés. La Cour a examiné la pertinence d’inclure un mécanisme de désengagement obligatoire dans l’ordonnance proposée. Au moment de présenter la motion, seulement 38 des 220 employés licenciés avaient retenu les services d’un avocat. Un tel mécanisme (et la nomination d’un avocat représentant) assujettirait en fait les employés mis à pied à une réduction obligatoire du montant brut qu’ils recouvreraient autrement auprès de l’entreprise. En outre, la Cour a estimé que le champ d’application proposé pour l’immunité de responsabilité de l’avocat représentant est trop large dans cette affaire. Il chercherait à immuniser l’avocat représentant (s’il est nommé) de toute responsabilité liée à « ses fonctions dans l’exécution des dispositions de l’ordonnance sollicitée ». Même si une telle immunité était couramment accordée dans les ordonnances de représentation, la Cour a souligné que les avocats représentants sont dans une position différente de celle des officiers de justice ou des amis de la cour. Alors que les avocats représentants ont des obligations envers leur groupe de clients, les officiers de justice et les amis de la cour ont des obligations envers la Cour. |
John Doe (G.E.B. no 26) v. Corporation épiscopale catholique romaine de St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) |
La LFI ou la LACC fixe-t-elle la date d’évaluation des réclamations en responsabilité délictuelle contre un défendeur insolvable à la date de dépôt initiale? |
Non. Dans cette affaire, le débiteur était soumis à d’importantes responsabilités potentielles liées à plus de 150 personnes qui intentaient une action en responsabilité délictuelle d’une valeur globale supérieure à 50 000 000 $. Un certain nombre de ces personnes étaient décédés après la date de dépôt initiale du débiteur et, par conséquent, leurs réclamations ont été transmises à leurs héritiers conformément à la Survival of Actions Act, RSNL 1990, c.S-32 (la « SAA »). Toutefois, l’article 4 de la SAA limite la nature des dommages recouvrables aux « seuls dommages qui ont entraîné une perte monétaire réelle pour la succession ». Pour éviter cette restriction, les successions ont fait valoir qu’il fallait interpréter que les dispositions de la LACC et de la LFI comme fixant la date d’évaluation des réclamations des créanciers à la date de dépôt initial. De plus, si les personnes qui intentaient une action en responsabilité délictuelle étaient vivantes à la date de dépôt initial, mais décédaient par la suite, les restrictions de la SAA ne devaient pas s’appliquer aux réclamations de leurs successions. Cet argument a été rejeté par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. Les successions ont interjeté appel auprès de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a rejeté l’appel le 22 juillet 2024. La Cour d’appel a fait remarquer que ni la LFI ni la LACC n’établissent de règles précises pour l’évaluation des réclamations en responsabilité délictuelle, et qu’il n’y a aucune raison inhérente aux objectifs de la législation sur l’insolvabilité de s’écarter du droit de la responsabilité délictuelle et du droit statuaire lorsqu’on évalue les dommages délictuels en cas d’insolvabilité et que le juge du procès a exercé de façon appropriée son pouvoir discrétionnaire en vertu des lois. |
Ernst & Young Inc. c. Aquino (Ontario) |
Le système de fausse facturation mis en œuvre par la direction de la société constituait-il une « opération sous-évaluée […] [destinée à] frauder ou […] frustrer un créancier ou [à] en retarder le désintéressement »? |
Oui. La Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial a estimé que les paiements effectués dans le cadre du stratagème frauduleux constituaient des opérations sous-évaluées. La Cour d’appel de l’Ontario a statué qu’il serait malheureux de laisser les fraudeurs s’en tirer à bon compte et aux dépens des créanciers. Dans le cadre des transferts à une valeur inférieure en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, les coûts découlant des intentions frauduleuses de la direction devraient être imputés à la société. Ce qui constitue une responsabilité sociale des entreprises de fournir une réparation appropriée aux créanciers. Le 5 décembre 2023, la Cour suprême du Canada a entendu l’appel de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario, ainsi que l’appel dans la cause Golden Oaks Enterprises Inc. c. Scott (voir la rangée ci-dessous). L’Institut d’insolvabilité du Canada (IIC) et le procureur général de l’Ontario sont intervenus dans cette procédure d’appel. Cette cause est actuellement en délibéré. |
Golden Oaks Enterprises Inc. c. Scott (Ontario) |
Lorsqu’un propriétaire commet une fraude, dans quelles circonstances les réclamations des créanciers sont-elles considérées comme pouvant être découvertes aux fins des délais de prescription? |
La Cour d’appel de l’Ontario a refusé d’appliquer le principe de l’imputation d’actes à une société, qui aurait imputé à Golden Oaks la connaissance de la fraude de son propriétaire. Par conséquent, le délai de prescription relatif à la réclamation pour enrichissement sans cause est entré en vigueur au moment où le syndic de faillite a été nommé. Il était fortement justifié, pour des motifs d’intérêt public, de résister à ce que la connaissance du propriétaire soit imputée au failli. L’imputation d’actes à une société aurait également porté atteinte à un principe fondamental du droit de l’insolvabilité : la répartition équitable des actifs d’un débiteur entre ses créanciers. L’imputation aurait la malheureuse conséquence de permettre aux appelants de conserver certains paiements frauduleux et de priver le syndic d’un recours civil qui lui permettrait d’augmenter les recouvrements pour les autres créanciers légitimes du failli. Le 5 décembre 2023, la Cour suprême du Canada a entendu l’appel dans cette cause, ainsi que dans la cause Ernst & Young Inc. c. Aquino (voir la rangée ci-dessus). L’IIC et le procureur général de l’Ontario sont intervenus dans cette procédure d’appel. Cette cause est actuellement en délibéré. |
White Oak Commercial Finance, LLC v. Nygård Holdings (USA) Limited et al. Manitoba |
La Cour a-t-elle compétence pour rendre une ordonnance de consolidation substantive à l’égard d’une société solvable? |
Oui. Même si la Cour d’appel du Manitoba a conclu dans ce dossier que les sociétés concernées étaient insolvables, elle a néanmoins précisé qu’un tribunal peut ordonner une consolidation substantive entre des sociétés solvables et insolvables dans des circonstances appropriées. À cet égard, la Cour d’appel s’est appuyée sur la jurisprudence des États-Unis et a également estimé qu’elle était conforme à la politique en faveur d’une distribution équitable et ordonnée des actifs aux créanciers. La Cour d’appel a également approuvé la conclusion du tribunal inférieure selon laquelle le préjudice subi par une entité liée était compensé par le préjudice subi par une entité tierce. Subsidiairement, même si la consolidation n’avait pas été ordonnée, la Cour d’appel aurait confirmé la décision du tribunal inférieur d’approuver l’attribution par le séquestre des obligations de paiement prioritaire et des coûts par rapport au produit de la vente des actifs des sociétés concernées. La répartition a été jugée équitable et raisonnable. Il n’est pas nécessaire de répartir les frais du séquestre entre les débiteurs en se fondant uniquement sur la séquence selon laquelle la vente des actifs et le paiement des coûts ont été réalisés. Le délai pour demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada est expiré. Aucune autorisation n’a été demandée. |
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario c. Traders Global Group Inc. (Ontario) |
Un séquestre peut-il être nommé en Ontario même si un tribunal américain a conclu que la mise sous séquestre n’est pas nécessaire? |
Oui. Dans ce cas, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a enquêté sur les défendeurs pour fraude après avoir reçu une demande de la Commodity Futures Trading Commission (la CFTC) des États-Unis. Dans le cadre de la procédure américaine, selon le régime juridique applicable, la District Court du New Jersey a refusé de nommer un séquestre pour superviser un gel des avoirs, estimant qu’il n’était pas nécessaire de le faire. Malgré ce résultat aux États-Unis, à la demande de la CVMO, la Cour supérieure de justice de l’Ontario – rôle commercial a nommé un séquestre le 21 décembre 2023 en vertu de l’article 129 de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario. En vertu de cet article, un séquestre peut être nommé si le tribunal est convaincu que cette nomination : i) servira les intérêts véritables des créanciers de la personne ou de la compagnie ou ii) est appropriée pour l’application régulière du droit ontarien des valeurs mobilières. La Cour a conclu que ces deux conditions étaient remplies en l’espèce et que la décision des États-Unis n’était pas déterminante pour l’analyse que la Cour doit effectuer en fonction des éléments de preuve dont elle dispose et des lois de l’Ontario. |
1 Les auteurs tiennent à souligner la contribution de Matthew Garay (stagiaire d’été chez Davies Ward Phillips & Vineberg LLP) à la préparation de ce tableau et lui en sont reconnaissants.